Matthieu 25:19

Le compte à rendre.

I. Le serviteur qui avait le moins reçu un type de l'insignifiant de la terre, de la masse immergée de ceux qu'on appelle communément les prolétairesles déshérités d'ici-bas ? Pourquoi Jésus se montre-t-il seul coupable, seul justement puni, tandis qu'une approbation sans réserve est donnée à ceux qui ont beaucoup reçu, et qui n'ont été que fidèles ? Est-ce donc ainsi que les choses se passent ? La leçon divine aurait-elle dû être dirigée de ce côté-là ? N'est-ce pas plutôt les riches et les puissants de ce monde qu'il faut l'entendre ? N'est-ce pas le représentant des pauvres qui doit hériter des talents de l'infidèle ? Et au lieu de ces mots impitoyables : « A chacun qui aura sera donné », mots qui semblent justifier et couvrir toutes les usurpations de force, ne devrait-il pas être écrit : « A chacun qui n'a pas sera donné » ? A cette douloureuse question, comment répondrons-nous ? Très simplement.

Le reproche est adressé à Jésus. Eh bien, connaissez-vous quelqu'un qui a aimé les pauvres comme Jésus ? Sans doute Jésus savait l'abus misérable que les puissants de ce monde feraient de leur puissance, les riches de leurs richesses, et tous les privilégiés de leurs privilèges. Mais il savait aussi que d'autres germes de haine et de mort, l'ingratitude, le découragement, le désespoir, la colère et le blasphème germeraient dans d'autres sphères, et c'est ce qu'il montre à l'œuvre dans l'âme du serviteur infidèle, indolent et mutin.

II. La médiocrité a ses tentations, et Jésus nous les fait connaître ici. Ce sont (1) l'envie, (2) l'ingratitude, (3) le mépris du devoir, (4) l'impiété qui blasphème.

III. Les plus grandes choses faites dans l'Église ont été l'œuvre de ceux qui n'avaient qu'un seul talent. Nous jugeons autrement, je le sais ; on ne voit de loin que de hauts sommets, que des noms retentissants et des œuvres marquantes. Regardez de plus près. Là où il n'y avait que ceux-là, rien n'a duré. Ce qui constitua la forme et la trame immuable de l'Église dans ses plus grandes époques, ce furent les chrétiens obscurs, les héros de l'amour silencieux, les milliers d'inconnus dont les noms remplissent le martyrologe des premiers siècles ; oui, ce sont les simples soldats qui remportent la victoire dans les grandes batailles de Dieu.

E. Bersier, Sermons, p. 23.

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