33. Il gémit dans son esprit. Si le Christ n'avait pas été excité à la compassion par leurs larmes, il aurait plutôt gardé son visage impassible, mais quand, de lui-même, il se conforme à ces pleureurs, jusqu'à pleurer avec eux, (323) il donne la preuve qu'il a de la sympathie, (συμπάθεια.) Car la cause de ce sentiment est, dans mon opinion, exprimée par l'évangéliste, quand il dit que Christ a vu Marie et les autres pleurer Pourtant, je n'ai aucun doute que le Christ a contemplé quelque chose de plus élevé, à savoir de toute la race humaine; car il savait bien ce qui lui avait été ordonné par le Père, et pourquoi il avait été envoyé dans le monde, c'est-à-dire pour nous libérer de tous les maux. Comme il l'a fait, il avait l'intention de montrer qu'il l'a accompli avec chaleur et sérieux. En conséquence, lorsqu'il s'apprête à élever Lazare, avant d'accorder la délivrance ou l'aide, par le gémissement de son esprit , par un fort sentiment de chagrin, et par larmes , il montre qu'il est autant touché par nos détresses que s'il les avait endurées dans sa propre personne.

Mais comment les gémissements et les troubles de l'esprit appartiennent-ils à la personne du Fils de Dieu? Comme certains jugent absurde de dire que le Christ, en tant que l'un des nombreux êtres humains, était sujet aux passions humaines, ils pensent que la seule façon dont il a éprouvé la douleur ou la joie était de recevoir en lui-même ces sentiments, chaque fois qu'il pensait juste, par une dispense secrète. C'est en ce sens, pense Augustin, que l'évangéliste dit que il était troublé, parce que d'autres hommes sont pressés par leurs sentiments, qui exercent leur domination, ou plutôt tyrannie, pour troubler leurs esprits. Il considère donc que le sens est que le Christ, bien que par ailleurs tranquille et libre de toute passion, a apporté gémissements et chagrin sur lui-même de son propre chef. Mais cette simplicité sera, à mon avis, plus agréable à l'Écriture, si nous disons que le Fils de Dieu, s'étant revêtu de notre chair, s'est de lui-même revêtu aussi de sentiments humains, de sorte qu'il ne différait pas du tout. de ses frères, le péché seulement excepté. De cette manière, nous ne détournons rien de la gloire du Christ, quand nous disons que c'était une soumission volontaire, par laquelle il a été amené à nous ressembler dans les sentiments de l'âme. D'ailleurs, comme il s'est soumis dès le début, il ne faut pas s'imaginer qu'il était libre et exempt de ces sentiments; et à cet égard il s'est montré notre frère, pour nous assurer que nous avons un Médiateur, qui pardonne volontiers nos infirmités, et qui est prêt à aider les infirmités qu'il a éprouvées en lui-même.

On objectera peut-être que les passions des hommes sont pécheresses, et par conséquent on ne peut admettre que nous les avons en commun avec le Fils de Dieu. Je réponds, il y a une grande différence entre le Christ et nous. Car la raison pour laquelle nos sentiments sont pécheurs est qu'ils se précipitent sans retenue et ne souffrent aucune limite; mais en Christ, les sentiments étaient ajustés et réglés dans l'obéissance à Dieu, et étaient totalement exempts de péché. Pour l'exprimer plus complètement, (324) les sentiments des hommes sont coupables et pervers à deux titres; d'abord, parce qu'ils sont précipités par un mouvement impétueux et ne sont pas réglés par la vraie règle de la modestie; et, deuxièmement, parce qu'elles ne découlent pas toujours d'une cause légitime ou, du moins, ne visent pas une fin légitime. Je dis qu'il y a excès, parce que personne ne se réjouit ni ne se plaint, dans la mesure où il suffit, ou que Dieu le permet, et il y en a même qui se dégagent de toute contrainte. La vanité de notre compréhension nous apporte du chagrin ou de la tristesse, à cause de bagatelles, ou pour aucune raison, parce que nous sommes trop dévoués au monde. Rien de cette nature ne se trouvait en Christ; car il n'avait pas de passion ou d'affection qui dépassait jamais ses limites propres; il n'en avait pas une qui n'était pas convenable et fondée sur la raison et le bon jugement.

Pour rendre cette question encore plus claire, il sera important pour nous de faire la distinction entre la nature première de l’homme, telle qu’elle a été créée par Dieu, et cette nature dégénérée, corrompue par le péché. Lorsque Dieu créa l'homme, il implanta en lui des affections, mais des affections obéissantes et soumises à la raison. Que ces affections soient maintenant désordonnées et rebelles est une faute accidentelle; c'est-à-dire qu'elle procède d'une autre cause que du Créateur. (325) Maintenant, Christ a pris sur lui des affections humaines, mais sans (ἀταξία) désordre; car celui qui obéit aux passions de la chair n'obéit pas à Dieu. Le Christ était en effet troublé et violemment agité; mais, en même temps, il se tenait soumis à la volonté du Père. En bref, si vous comparez ses passions aux nôtres, elles ne différeront pas moins que l'eau pure et claire, coulant doucement, diffère de la mousse sale et boueuse.

L'exemple du Christ doit se suffire à lui-même pour mettre de côté la rigueur inflexible que réclament les stoïciens; car d'où devrions-nous chercher la règle de la perfection suprême sinon du Christ? Nous devons plutôt nous efforcer de corriger et de soumettre cette obstination qui imprègne nos affections à cause du péché d'Adam et, ce faisant, de suivre le Christ comme notre chef, afin qu'il nous soumette. Ainsi Paul ne nous demande pas une stupidité endurcie, mais nous enjoint d'observer la modération

dans notre deuil, afin que nous ne nous abandonnions pas au chagrin, comme des incroyants sans espoir
(
1 Thesaloniciens 4:13;)

car même Christ a pris nos affections en lui-même, afin que par sa puissance nous soumettions tout ce qui est pécheur en eux.

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